Attentat de Manchester: l’enquête progresse, les élections approchent

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Vingt-deux morts, 59 blessés, dont une vingtaine aux soins intensifs, le bilan de l’attentat de Manchester, le plus meurtrier au Royaume-Uni depuis 12 ans, a provoqué un choc profond en Grande-Bretagne. La police communique peu, mais l’enquête semble progresser rapidement.

Le choc est d'autant plus profond que le terroriste visait un rassemblement de plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents, participant au concert d’une chanteuse américaine. La plus jeune des victimes n’avait que huit ans.

A ce stade, l’enquête se concentre sur la personnalité et l’histoire personnelle de Salman Ramadan Abedi, mort dans l’attentat et identifié comme son auteur. Deuxième priorité du moment : ses éventuels complices et ses liens avec Daech, qui a revendiqué le massacre à Manchester Arena.

Sept personnes, dont un frère de Salman Abedi et une femme soupçonnée d'être liée au kamikaze ont été interpellées. Selon la sécurité libyenne, ce frère était au courant du projet d'attentat. Il est très important de découvrir rapidement un éventuel réseau qui avait aidé l’auteur de l’attentat à le préparer, et notamment à construire l’engin explosif qui lui a servi à commettre son crime. La septième arrestation annoncée par la police a eu lieu à la suite d'une perquisition à une adresse située à Nuneaton, une ville du Warwickshire, dans le centre de l'Angleterre. Il s'agit de la première arrestation effectuée hors de la région de Manchester dans cette affaire.

La police britannique pense que la bombe a été fournie à Abedi par quelqu’un d’autre. Si c’est le cas, il faudra agir très vite pour l’identifier. En effet, des complices ayant de telles possibilités pourraient constituer un danger public d’une extrême gravité.

Alerte terroriste au niveau « critique »

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir les autorités britanniques porter le niveau d’alerte terroriste, pour la première fois depuis 2007, du niveau « grave » au niveau « critique », signifiant un risque d’attentat imminent.

Une mesure très rarement mise en place au Royaume-Uni. Pour épauler les policiers, des militaires ont commencé à se déployer en mission de surveillance sur des lieux sensibles dans les grandes villes. Ils pourraient aussi patrouiller dans des gares et aéroports, concerts et événements sportifs.

Les enquêteurs tentent de ramasser le maximum possible d’informations sur Salman Abedi. Il était le troisième d’une famille libyenne de quatre enfants, dont les parents étaient venus en Grande-Bretagne pour fuir le régime de Kadhafi. Salman est né à Manchester en 1994, et il a grandi au Royaume-Uni. Le père, la mère et la sœur du kamikaze seraient rentrés en Libye après la révolution de 2011 et la chute de Kadhafi. On suppose que Salman Abedi et son frère aient alors multiplié les allers-retours entre l’Angleterre et la Libye.

Radicalisation

Selon le ministre français de l’Intérieur, Gérard Collomb, il serait « sans doute » passé également par la Syrie. Des occasions de nouer des liens avec Daesch ne lui manquaient donc pas.

Selon le Times, Salman Abedi s’était rendu récemment en Libye. Il était parti il y a trois semaines et était rentré il y a quelques jours, manifestement pour commettre l’attentat de Manchester. Une source gouvernementale américaine précise que le renseignement britannique tente de vérifier la réalité de ce séjour et de déterminer s'il a pu à cette occasion entrer en contact avec des militants de Daesch.

Les étapes de la radicalisation de Salman Abedi ne sont pas encore tout à fait claires. On sait en revanche qu’il a subi au moins un échec grave sur sa voie d’intégration avec la société britannique. Il avait entamé des études de commerce et de management à l'université de Salford, dans l'agglomération de Manchester, mais il les avait abandonnées au bout de deux ans et n'avait pas obtenu son diplôme. Il est toutefois encore difficile à dire s’il s’agissait là de l’une des raisons de sa radicalisation, ou plutôt de l’une des conséquences de celle-ci.

Les Britanniques se rendent bientôt aux urnes. En effet, les élections législatives sont prévues pour le 8 juin prochain. Peut-on d’ores et déjà parler d’un impact de l’attentat de Manchester sur la campagne électorale ?

Un tel impact s’est fait sentir immédiatement. A peine quelques heures après le drame, les deux plus grands partis politiques – les conservateurs au pouvoir et le principal parti de l’opposition, les travaillistes – ont annoncé qu’ils suspendaient la campagne électorale « jusqu’à nouvel ordre », donc pour une durée indéterminée.

La campagne étant suspendue, il est pour le moment impossible de dire si et comment l’attentat de Manchester va-t-il influencer le débat politique de fond avant les élections.
On pense habituellement que les circonstances de ce genre favorisent ceux qui demandent des mesures autoritaires les plus radicales et qui n’hésitent pas à verser dans la xénophobie. Mais il ne s’agit pas d’une règle immuable. Par exemple, un attentat à l’aéroport d’Orly n’a aucunement impacté l’élection présidentielle en France en ce sens.